Superman: Lost
29 avril 2024(DC Comics / Christopher Priest / Carlo Pagulayan)
Superman part en vadrouille avec la Justice League, jusque là rien d’exceptionnel. Mais pour Lois Lane, c’est le retour de son mari qui va tout changer. Car celui-ci n’a pas l’air dans ses bottes. Il faut dire aussi qu’il arrive au même moment que Bruce Wayne qui devrait apprendre à la journaliste “une mauvaise nouvelle”. Surprise chez Batman, révélation du Kryptonien: je suis parti pendant 20 ans.
Christopher Priest va jouer avec le temps dans cette histoire de Superman où à cause d’un trou noir, le super-héros va se retrouver à des années lumières de son univers à lui. Comment rentrer quand il n’a plus aucun repère et que le soleil du coin limite clairement ses pouvoirs. Après avoir été collecté par une bande d’extra-terrestres peu regardant de l’autre, il se retrouve projeté sur une planète qui pourrait être la Terre mais qui ne l’est pas. Un monde étrange où les classes sociales sont séparées mais où les plus démunis le sont car ils l’ont choisi. Cela va même aller beaucoup plus loin et Superman ne pourra pas quitter ce monde sans en avoir résolu le problème mais dans un monde où les super-héros n’existent pas, est-ce que Superman a vraiment son mot à dire ? Et comment faire pour à la fois résoudre ce problème insoluble et en même temps chercher à retourner chez lui ?
Lost pourrait être un récit pour ceux qui n’aime pas Superman. Fini le côté solaire du personnage, fini le côté plein d’espoir, le scénariste a réussi là où beaucoup de super-vilains ont échoué: il a brisé l’homme de fer, qui ne reste finalement qu’un homme. À travers les décisions de Sup’ dans ce monde étranger, Priest pose aussi la question de l’interventionnisme et de la démocratie. Comment faire pour considérer la démocratie à sa juste valeur quand ses principes, comme le vote, sont utilisés pour affaiblir les populations les plus fragiles ? Une question d’actualité qui pose d’épineuses questions de conscience. Quant à l’interventionnisme, Superman va s’imposer alors que beaucoup de gens lui demandent
d’aller voir ailleurs. A-t-il le droit de s’imposer et son exil interminable fait-il de lui un citoyen de cette planète ?
Priest va aussi s’attacher à Clark Kent et à sa relation avec Lois Lane. De quoi montrer la tension dans un couple et comment Lois va aller très très loin pour que son mari retrouve le goût de vivre. C’est quasi un sans-faute de ce côté, mis à part peut-être sur la fin où Lois fait preuve d’une jalousie sans compréhension de ce qu’a pu vivre son mari. À moins qu’elle ne le croit pas, ce qui serait une toute autre histoire.
Aux crayons, on retrouve Carlo Pagulayan qui a déjà bossé avec Priest sur la série Deathstroke (au moment du Rebirth) et qui est plutôt abonné aux productions DC après avoir fait ses armes chez Marvel au début des années 2000. Rien de bien particulier à en dire: c’est du classique, du propre.
Ceci dit, Pagulayan aura fort à faire et d’autres artistes pour l’épauler: Lee Weeks dans un passage particulièrement chouette à lire; Will Conrad, avec un trait beaucoup plus fin; Dan Jurgens, plume célèbre de l’univers Sup’ avec des traits cette fois-ci plus épais et enfin un certain José Luis dont le nom a été apparemment oublié dans la VF sortie chez Urban.
Sans compter, les finitions de Brett Breedings et pas moins de 4 encreurs. Autant dire que soit l’artiste n’a pas eu la force d’aller au bout du projet, soit Lost était un projet éditorial secondaire. Toujours est-il que je ne suis pas sorti de ma lecture trop souvent suivant le changement de dessinateur qui s’occupe le plus souvent d’une époque particulière.
Alors tout n’est pas rose dans ce récit et Christopher Priest est obligé d’utiliser un Deus Ex Machina afin de sauver son héros. Si cette pirouette est logique dans l’univers DC, elle tombe à la fois de façon fort pratique mais elle va prendre un malin plaisir à prendre son temps, histoire que le héros morfle.
Ceci étant, comme dans tout récit de manipulation espace-temps, il m’a fallu y revenir à deux fois afin de bien comprendre ce qui se passe pour chaque personnage. Je me comprends. Et finalement, Priest réussit à raconter son histoire tout en rangeant ses jouets comme il faut afin que les prochains scénaristes qui s’occuperaient de Sup’ n’ait pas à prendre cette histoire en compte.
Au final, une belle réussite avec une histoire touchante et très bien illustrée.
En autre récit Supermanien qui vaut le coup, je te conseille également Secret Identity par Busiek et Immonen.