Le Professionnel
24 janvier 2021Réalisateur : Georges Lautner
Scénario : Georges Lautner & Michel Audiard, d’après un roman de Patrick Alexander
Acteurs/trices : Jean-Paul Belmondo, Jean Desailly, Cyrielle Clair, Marie-Christine Descouard, Elisabeth Margoni , Jean-Louis Richard, Michel Beaune, Bernard-Pierre Donnadieu, Pierre Saintons, Robert Hossein
Joss (Josselin) Beaumont est un militaire, un agent des forces spéciales françaises. Il est chargé par les politiques en place d’assassiner le président d’un pays africain. Mais alors qu’il est en mission d’infiltration, les orientations du pays changent et Joss ne voit pas sa mission annulée. À la place, il se voit même livré au pays ennemi qui ne rigole pas quand il s’agit d’atteinte à la vie du président. Travaux forcés, drogue, procès publique télévisé mis en scène, Beaumont est fini. Sauf qu’après deux ans d’abandon, il réussit à se libérer et à retourner en France. Autant dire que les choses ne vont pas très bien se passer.
Tiré d’un roman de Série Noire, Le Professionnel est l’un des films de la période phare de Belmondo. Il est dans la pleine force de l’âge et en pleine force physique, il réalise d’ailleurs lui-même ses cascades et n’hésite pas à montrer sa plastique. Il est l’action-hero des années 80 du cinéma français.
Si Le Professionnel repose énormément sur les épaules de sa star, il bénéficie d’une équipe solide du cinéma populaire français dans son acceptation la plus noble, surtout quand on voit à quoi se résume ce genre de cinéma depuis bien 30 ans.
Le duo Lautner / Audiard est pourtant plus habitué aux films plutôt orientés comédie, certes avec des bandits à la pelle et des règlements de flingues à tout va mais l’ambiance générale est plutôt aux bons mots et aux bourre-pifs. Avec Le Professionnel, changement de registre. Si quelques dialogues sont bien entendus humoristiques (quoique souvent accompagné d’une pointe d’aigreur), on est dans une histoire de vengeance aveugle. Car Joss Beaumont va tout faire pour créer le plus de panique possible auprès de ses anciens patrons. Le but est de les faire mariner le plus possible tout en sachant pertinemment qu’il n’en sortira pas vivant à moins d’un énorme coup de bol. C’est en cela que le scénario du film (et notamment sa fin) sont intéressants. Car tout au long du film, on est clairement à côté du héros et même Belmondo apporte un panache certain à un personnage qui devrait pourtant être complètement dépressif, taciturne et finalement moins attachant.
Du côté de la réalisation, on peut dire que le film a assez mal vieilli. Les bruitages sont caricaturaux, les combats montrent bien leur âge et on ne peut que se féliciter que les films asiatiques aient apporté leur savoir-faire de manière internationale car ici, c’est tout de même très plan-plan alors que cela devait être très réussi à l’époque. De même, la course-poursuite (réalisée par l’équipe de feu Remy Julienne) m’a semblé assez longue, peu rythmée et il y a pourtant fort à parier qu’à l’époque les spectateurs devaient être médusés.
Si Belmondo assure le show, il a aussi des partenaires pour assurer la réplique de fort belle manière. Les deux femmes qui l’entourent, chacune à leur manière, montrent ce qui manque à cet homme (là encore, années 80 oblige, on est loin de l’image de l’homme moderne d’aujourd’hui) et jouent superbement. A noter la présence d’un second rôle féminin, agent de persuasion à deux doigts du viol de la femme de Beaumont. Une scène très dérangeante qui dénote par rapport à l’ensemble du film mais qui fait tout de même bien écarquiller les yeux d’étonnement. On ne va pas s’en priver.
Chez les hommes, on va retrouver les trognes habituelles des auteurs : Jean-Louis Richard en patron débordé et assez couard, Bernard-Pierre Donadieu en tête à claques incompétente et détestable ou encore Michel Beaune, d’une justesse impeccable (et en plus, il est fan de BD et de robots – un geek avant l’heure). Mention spéciale à Pierre Saintons qui, en président N’Jala, est tout de même un « méchant » très classe. Et puis il y a bien sûr Robert Hossein, la nemesis du héros, qui est toujours aussi juste mais dont je soupçonne que le rôle dans le roman est bien plus développé.
Je ne peux pas passer sous silence la musique iconique d’Ennio Morricone dont la présence semble toutefois se limiter à un seul morceau, le film étant plus sonorisé par les bruitages ambiants qu’une musique omniprésente. Le thème de Morricone est d’une tristesse assez viscérale et transcrit parfaitement ce que Beaumont veut faire. Comment cette musique a-t-elle pu se transformer en publicité de croquettes pour chien ? C’est tout le mystère de l’âme humaine.
Le Professionnel était donc mon choix pour le Challenge de janvier (voir un film avec du Morricone dedans) et cela m’a fait plaisir. Car il est fort probable que j’ai dû voir ce film étant plus jeune sans en garder énormément de souvenirs. La jaquette trônait fièrement dans les vitrines des vidéo-clubs et Belmondo avait une sacrée dégaine dedans. Si le film a vieilli, qu’il est devenu politiquement incorrect et qu’il est assez linéaire, il montre aussi qu’il est possible de réaliser des films de caractère, pour adultes, et pourtant très populaires. Le cinéma français pouvait à un certain moment proposer ce genre de choses à ses spectateurs, ce qui me semble inenvisageable dorénavant.