Everything, Everywhere, All at Once (2022)
11 septembre 2022Un film écrit et réalisé par Daniel Kwan et Daniel Scheinert avec Michelle Yeoh, Stephanie Hsu, Ke Huy Quan, James Hong, Jamie Lee Curtis, …
Evelyn Wang est dépassée par les événements: tenancière d’une laverie / blanchisserie, elle doit justifier au FISC toute une série d’achats payés par le commerce mais loin d’être professionnels. Accompagné d’un père renvoyée de Chine car très malade, d’un mari trop naïf et peu responsable, elle perd sa seule alliée: sa fille qui pourrait lui servir de traductrice face à l’agent Deirdre Beaubeirdre. Mais sur le trajet, plus précisément entre le rez-de-chaussée et le 10ème étage, son mari est pris par on ne sait quelle folie. Les protégeant de caméras de sécurité trop indiscrètes, Waymond indique à Evelyn qu’elle est en danger. Il lui donne une oreillette et une liste de consignes à suivre à la lettre, comme d’inverser ses chaussures et de penser au local à balai de l’étage. Tout ça pour sauver le multivers bien sûr.
Est-ce que Everything, Everywhere, All at Once est un OFNI (F pour filmique) ? Oui, bien sûr. Travelling à la Sam Raimi, références plus ou moins subtiles à pas mal de choses (The Mask, Dirk Gently, …) montage épileptique, expérience extrême pour les yeux et les oreilles (sans que cela ne tienne de l’agression), le film va être mené tambour battant avec quelques pauses, histoire de clarifier l’intrigue qui, si vous êtes un peu familier des univers parallèles, n’est pas si compliquée que ça. Mais cela permet aux réalisateurs scénaristes Daniel Kwan et Daniel Scheinert d’évoquer les quelques règles qui régissent leur œuvre. À savoir que les univers parallèles sont accessibles mais qu’aller en chercher un vraiment différent du vôtre va demander de faire quelque chose de complètement absurde. Plus absurde sera l’action (comme se couper volontairement avec une feuille de papier ou lécher des murs), plus éloigné de votre monde vous pourrez aller. Bien sûr pour une simple tenancière de laverie face à une urgence qui ne permet pas l’acclimatation au voyage dans le multivers, cela causera bien des bugs. De quoi provoquer des surprises et surtout pas mal de gags.
L’autre partie du film est la partie action. Le tambour battant se déroule bien entendu au travers de combats qui vont finalement faire appel au multivers mais de façon plus ponctuelle. Les combats ne se propagent pas (bon, il y en a “un” qui le fait), seules les différentes compétences des combattants seront piochées. Et la plupart se traduisent par des combats de kung-fu. Bien entendu, avec Michelle Yeoh, star des films d’action Hong-kongais des années 80-90, cela n’a rien de surprenant. Mais Ke Huy Quan (qu’on connait bien plus en jeune disciple d’Indiana Jones – Temple of Doom – ou bien dans Les Goonies) s’en tire avec bonheur, même si on le sent bien moins souple et efficace que sa femme dans le film. C’est peut-être la partie action qui, si elle n’en est pas moins jubilatoire, fait tourner le film un peu en rond. Si vous avez vu le film, vous comprendrez qu’on ne peut pas le reprocher aux auteurs: le rond est un des symboles indissociables du film. Une petite pirouette (volontaire ou non) des réalisateurs qui sera probablement un des deux seuls légers bémols que j’ai ressenti au visionnage. Heureusement, si les combats sont parfois assez semblables, il y a toujours quelques détails, quelques gags (du truc fin au truc bien lourd mais qui fonctionne quand même) qui font que tout cela passe crème.
Et puis arrive la fin du film, le moment de résoudre tout ce pataquès, d’autant qu’on est partis bien loin dans un délire commun auquel j’ai complètement adhéré. Et cette résolution passera bien entendu par une espèce de combat final mais pas que. Car Everything, Everywhere, All at Once est avant tout une histoire de famille, de relations qui se passent mal, de non-dits bien entendu qui réussiront à ressortir au moment où rien ne va plus. Un cliché de plus, me direz-vous ? Oui … et non. Là encore, tout est fait de manière maline, originale et surtout bienveillante. Arrive le second bémol selon moi, la durée de cette conclusion. Mais elle fait aussi que la tension monte et qu’il sera bien difficile de retenir une petite larme (surtout si vous êtes parent): tout se tient, tout rentre (presque) dans l’ordre même dans l’absurdité. Et il faut bien l’avouer, embarqué dans ce train à toute vitesse, c’est beau.
Ah d’ailleurs, en parlant de beauté, sans gâcher quoique ce soit, attendez vous à la fois à des moments de cinéma classiques dans leur variété (oui, bien sûr, il y aura des séquences d’animations dans le multivers) mais Kwan et Scheinert vont bien bien bien plus loin dans leur manière de raconter, de triturer les images
et les idées. La hype concernant ce film est complètement justifiée.
Everything, Everywhere, All at Once est un film pour les gens qui aiment les ronds, s’amuser et l’action débridée (non, non, abstenez-vous !). Formellement, il ne conviendra pas à tout le monde. Et c’est fort dommage car dans le monde et l’époque dans lesquels nous vivons, il propose un message multiversel qui devrait être entendu par tous.