Damn Them All
14 mars 2024(Simon Spurrier / Charlie Adlard / Editions Delcourt)
Quand Ellie Hawthorne apprend que son “oncle” est mort, elle se doute qu’il y a quelque chose de louche derrière tout ça. Alors, son “oncle” avait beau être le dernier des salauds, c’était le seul salaud qui s’occupait un tant soit peu d’elle et surtout qui l’a initiée aux arcanes de la magie. Et pas des tours de passe-passe, hein. Plutôt des trucs qui ont rapport aux invocations de grosses bestioles pas toujours sympas.
D’ailleurs, un gros truc pas sympa, c’est ce qui va troubler la veille qui fait suite à l’enterrement d’Alfie. Alors que tout le monde picole en se rappelant le bon vieux temps ou bien les sales tours qu’Alfie a bien pu jouer à à peu près tout le monde, Ellie sent une invocation. Un gros démon veut buter un certain Frankie Wax. Et s’excuse pour le dérangement avant de s’en aller. Non sérieusement, quelque chose cloche et Ellie est bien décidée à en avoir le cœur net. Accompagnée par une fliquette américaine qui s’est entichée autrefois de tonton Alfie, Ellie va mettre le doigt dans ce qui pourrait être l’affaire la plus puante de son histoire.
Damn Them All est une maxi-série de 12 épisodes parue chez Boom Comics. Que Si Spurrier mette en scène la nièce d’un occultiste n’est pas une grosse surprise et comme il a réalisé 3 ans auparavant une série sur John Constantine Hellblazer (chez DC Black Label et le renouveau du Sandman Universe), il semble assez clair que Damn Them All est une suite non-officielle au plus gros occultiste fumeur de chez DC.
Pour Spurrier qui va donc réaliser une série sur des exorcismes et des démons, la nouveauté se trouve
dans un concept simple: et si on pouvait prendre des démons en pitié ? Oui, ces grosses pourritures qui font miroiter monts et merveilles en échange de pas grand chose qui se révèle être beaucoup plus, une fois qu’on vous a révélé les petites lignes en bas du contrat que vous avez oublié de lire. Eh bien, Ellie, sans être dupe, va comprendre que cette bande d’êtres censément être surpuissants s’est bien fait berner. Et quand leur utilisation devient aussi facile et accessible qu’un rail de coke, que pourrait-il se passer de mal ? Que feraient des humains bien intentionnés, des mafieux ou bien encore un cercle d’occultistes ratés qui voient enfin leurs rêves de pouvoir se réaliser ?
Spurrier, anglais et politiquement très engagé, va pour une fois ne pas insister sur le côté politique (il existe, il est évoqué mais ne prend pas une grosse partie de cet album dans lequel réside la moitié de la maxi-série). Je trouve que c’est un bol d’air frais qui permet de changer de ton par rapport à tout ce que j’ai lu récemment du scénariste. Par contre, en bon scénariste anglais, il va y aller franco dans le vulgaire. Attention aux oreilles châtiées, on n’a pas affaire à des enfants de chœur et tout ce beau monde va jurer comme il faut. Ellie vous dira qu’il faut bien ça pour supporter le monde dans lequel elle vit et on peut la comprendre.
Aux dessins, on retrouve l’élément qui nous permet de lire cette histoire en VF: Charlie Adlard. Pas sûr que si ça avait été un autre dessinateur, on aurait dû droit à une VF. Voilà donc une belle occasion de se réjouir du succès de Walking Dead.
Je ne suis pas fan du trait de Charlie Adlard et quand il a fallu passer de Tony Moore à Adlard sur les zombies de Kirkman, j’avoue que le passage a été plus que rude. Mais ce qui me semble évident, c’est qu’Adlard est un artiste qui est compatible avec le rythme imposé par la parution mensuelle des comics. Et il faut aussi des artistes de cette trempe qui fournissent de quoi lire en rendant une copie propre. Alors, propre, bon, vous m’avez compris: on parle de gros démons qu’on va obliger à faire des choses pas jolies jolies. Ça va saigner dans les grandes proportions, ça va probablement vomir à quelques occasions et les histoires de mafieux se règlent rarement autour d’un petit thé avec biscuits et marmelade.
Adlard réalise un découpage de planches très classique mais aussi très efficace. Est-ce que son trait est sexy ? Absolument pas. Est-ce qu’on a l’impression qu’il bâcle ses planches ? Non plus. C’est son style et c’est plutôt bien fichu pour peu qu’on s’y attarde. Les démons sont probablement plus réussis que les humains et les couleurs de Sofie Dodgson permettent également de rendre les invocations beaucoup plus spectaculaire. Sans compter les petites apartés, fiche descriptives de chaque démon, accompagnée de son sceau. Je ne sais qui de Spurrier ou d’Adlard a conçu cette partie quasi-Hickmanienne mais j’ai trouvé ça très agréable.
Franc du collier (quasiment caricatural), Damn Them All possède une excellente première partie. Espérons que le deuxième tome qui conclut la série soit à la hauteur.