Bodies (2023)
8 janvier 2024Mini-série en 8 épisodes créée par Paul Tomalin avec Amaka Okafor, Kyle Soller, Shira Haas, Jacob Fortune-Lloyd, Tom Mothersdale, Greta Scacchi et Stephen Graham.
Basée sur un comic-book paru chez Vertigo de Si Spencer.
Disponible sur Netflix.
Longharvest Lane est une petite rue dans le quartier de Whitechapel, le genre d’endroits qu’on ne fréquenterait pas vraiment une nuit sombre tellement plein de choses peuvent y arriver.
L’inspectrice Shahara Hasan est chargée de surveiller une manif d’extrême droite sans intervenir à moins d’être provoquée. Mais elle voit un jeune anglais d’origine indienne qui porte une arme, elle décide de le suivre et se retrouve dans la petite rue sus-mentionnée où elle va trouver un cadavre nu, balafre au front, œil gauche crevé (probablement par balle) et tatouage au poignet. Alors que le jeune réussit à s’enfuir, l’inspectrice se trouve devant une véritable énigme car le corps ne semble pas avoir été déplacé et s’il a été tué par balle, où se trouve-t-elle ?
Shahara Hasan n’est pas au bout de ses surprises puisque le même cadavre a été découvert en 1894, en 1941 et en 2053. À chacune de ses époques, un flic du coin va se retrouver avec cette belle énigme tandis qu’une étrange “Chapelle du péril” semble apparaître plus que de raison. Et donc comment un même bonhomme peut-il apparaître mort dans tant d’époques différentes ?
C’est encore ma femme qui m’a emmené dans ce traquenard dont je viens tout juste d’apprendre qu’elle était tirée d’une mini-série de comics Vertigo. Au programme, intrigue parallèle avec une bande de policiers qui ont pour la plupart une culture SF proche du néant. Si on peut le comprendre pour le pauvre Hillinghead bossant en 1894, cela semble plus étrange pour Hasan et surtout Mapplewood.
Mais bon, c’est le jeu ma pauvre Suzette et il faudra quelques épisodes à certains de nos personnages pour comprendre que tout cela est une affaire de voyage dans le temps. Plutôt sordide par certains aspects (le chef Mannix ayant tout de même de sérieux problèmes par rapport à sa famille, même si quelque part, on peut aussi le comprendre). Et donc tout le cœur de la série repose sur une question simple: comment péter une boucle temporelle ?
À ce petit jeu, j’avoue que Spencer (probablement) et Paul Tomalin s’en sont bien sortis même si je ne vous expliquerais jamais comment ils ont fait et quel tour de passe-passe ils ont utilisé pour résoudre un problème insoluble. D’ailleurs, en tant que spectateur et quasiment jusqu’au dernier épisode, on se dit que les choses ne peuvent que se dérouler comme elles l’ont déjà fait un nombre incalculable de fois. Bref, niveau scénario global, c’est plutôt du très bon boulot, satisfaisant dans ce sous-style si particulier de la SF. Après, il reste les destinées personnelles des personnages et là, les traitements sont réellement différents. Hasan va être un poil développée, on comprend bien pourquoi elle agit mais finalement, elle est plus là pour mener le gros de l’enquête et plus active. Idem pour Iris Mapplewood, handicapée qui a choisi un côté de la société contrairement à son frère: c’est assez subtil, ça laisse la part de compréhension au spectateur et surtout, ça justifie certaines actions à des moments bien particuliers de la série.
Restent Alfred Hillington et Charles Whiteman qui ne sont pas dans la confidence et qui vont donc subir tout ce qui va se passer. Il faut donc leur donner du corps autrement et c’est peut-être là que ça blesse, notamment pour Hillington dont le lourd secret est qu’il est … homosexuel. Et la mise en scène, de ce côté-là, manque totalement de subtilité, surlignant par les cadrages et la musique l’amour qu’il va porter à Henry Ashe, jeune journaliste et photographe. Je ne sais pas comment expliquer ce qui me gêne dans cette relation: peut-être le fait que le policier se retrouve un peu trop facilement à certains endroits sans raison valable, ce qui devrait tout simplement le cataloguer dans une classe peu recommandable à cette époque. Et si l’honorable Harker lui fait remarquer qu’il est né à la mauvaise époque (hou, indice),
je trouve Hillington bien peu discret par rapport à ce qu’il veut cacher.
Mais c’est un tout petit détail dans une série qui a les moyens de ses ambitions. Les décors sont soignés parfois un peu carton pâte (surtout en 1941 pendant les scènes de bombardement) mais en général, on est tout à fait pris dans les quatre univers qu’on nous propose. Alors oui, il semble y avoir des raccourcis et des choses qui auraient pu être développées un peu plus. Mais peut-être cela aurait-il nui au rythme global de la série qui ne connaît vraiment de ventre mou (même si le rythme n’est pas non plus celui de 24 heures chrono). C’est donc encore une bonne surprise et j’espère que 2024 m’en garde encore plein et qu’elle ne grille pas toutes ses cartouches au mois de janvier.