La vie est belle (1946)
19 janvier 2021Vu sur Prime Video (en version colorisée – beurk).
Réalisateur: Frank Capra
Acteurs principaux: James Stewart, Donna Reed, Lionel Barrymore
Ça remue dans le ciel ! En effet, les Anges causent et parlent d’un certain George Bailey qui s’apprête à commettre l’impensable: se suicider. Alors, ils envoient un des leurs, Clarence, afin qu’il essaie de convaincre George de changer d’avis. Mais Clarence est un ange de seconde classe, un ange qui n’a pas encore gagné ses ailes. Alors forcément, il va avoir des méthodes un peu particulières. Peut-être est-ce ce dont George a besoin ?
Dans le cadre du #WatchingClassicsChallenge2021 trouvé sur Twitter, j’ai regardé La Vie est Belle, un classique de Frank Capra (car il met en scène Donna Reed).
La durée dépassant 2h pour un film de cette époque m’avait d’abord surpris vu que le film a une image de film “feel good”, familial et même de saison (enfin, plutôt de Noël, mais on n’en est pas si éloigné). Et tout démarre donc pas une scène se passant dans le ciel où les Anges annoncent à leur subalterne qu’il a une bonne heure devant lui pour mieux connaître George. Bien avant que 24h Chrono connaisse un succès saisissant pour son déroulé en temps réel, Capra jouait la carte du clin d’oeil au spectateur en lançant un effronté “Tiens, mon gars, on va te présenter le personnage principal. Pendant une heure ! Ha ha ha !”.
Dans à peu près n’importe quel autre type de film, ça aurait été une belle catastrophe mais ici, non, pas du tout. Car George Bailey doit être compris dans son entièreté si jamais on veut bien saisir la suite. Et en effet, il n’y a pas que George et ses intimes convictions qui sont présentées mais tout un microcosme, celui de Bedford Falls et bien entendu tous les liens qu’y crée George, même s’il fait pourtant tout pour quitter cet endroit qui l’a vu naître.
Depuis tout petit, il rêve de voyages, d’aventures en lisant le National Geographic, il voit grand et se dit qu’un jour, oui, un jour, il fera de grandes choses comme des ponts d’un kilomètre de long ou des gratte-ciels de 100 étages. Bref, il a la hargne George, il sait ce qu’il veut et il fera tout pour y arriver. Quitte à économiser depuis son adolescence où il bosse comme apprenti épicier. Mais le sort va s’acharner et quasiment à chaque fois qu’il aura l’occasion de quitter sa ville natale, un événement imprévu va le forcer à rester. Car oui, George sent bien que sans lui, les choses pourraient mal tourner.
J’ai beau tourner le film dans tous les sens, il y a beaucoup d’arguments pour le classer au rayon “Religion et spiritualité” comme Prime Video le fait:
- George a tout des personnages christiques: frère sauveur des eaux qui se sacrifiera plus d’une fois pour son petit frère ou pour sa ville; utopiste naïf qui croit dur comme fer que tout est possible.
- il est de nombreuses fois tenté essentiellement par l’envie, l’argent ou (très vaguement) par le sexe, une autre femme se pavanant autour de lui, homme pourtant marié.
- l’eau et de la renaissance du personnage sont présents au début et à la fin du film.
- si George n’est pas là, la ville se transforme en endroit de débauche où chaque commerce est remplacé par un bar ou un club de strip-teaseuses.
- et bien entendu, il surmonte chaque obstacle qu’il rencontre avec le sourire, en mode “tendons l’autre joue”, en vivant de peu dans l’amour de son prochain.
De mon côté, j’y ai surtout trouvé une sorte d’humour, une ironie du destin qui ne lui permet jamais d’atteindre son but, un peu à la “Une jour sans fin” qui doit beaucoup à “La vie est belle”. Chaque événement est suffisamment bien amené pour être crédible (sauf probablement le tout dernier événement déclencheur, ce qui est un peu dommage) et finalement amusant.
On aime les gagnants et le fait que George s’en sorte essentiellement grâce à ses convictions (et à un scénario qui lui facilite la tâche, économiquement parlant) rend forcément le spectateur heureux. Et on se prête à comprendre qu’une vie heureuse sans grand relief est aussi bonne qu’une vie d’aventures remplies de moments grandioses.
Une ode à la vie quotidienne qui reste une vie formidable quand on réalise tout ce qu’on fait et ce qu’on apporte autour de soi. A la composante religieuse, je lui préfère la fable humaniste qui montre que faire son possible pour aider les autres de façon totalement gratuite permet souvent d’obtenir un retour d’ascenseur au moment le plus crucial.
Les acteurs sont bons et même si James Stewart en fait tout de même un peu des tonnes (il y a des gros plans que j’aurais dit tiré d’un film d’Hitchcock alors que les ambiances sont tout de même différentes), tout le reste du casting est d’une belle justesse. De Lionel Barrymore en affreux Mr Potter, alter-ego du Scrooge de Dickens, à Donna Reed, femme aimante, jolie sans être une bombe sexuelle (ce qui allait souvent de pair à l’époque) en passant par Henry Travers en ange débonnaire qui passe un peu trop vite à mon goût ou Thomas Mitchell, en oncle gaffeur toujours accompagné d’animaux improbables, c’est un véritable plaisir de suivre ces acteurs formés à l’école du muet mais qui arrivent à rester sur la corde du surjeu. Le rythme du film est bon avec un montage relativement nerveux pour l’époque et des scènes qui apportent toujours le petit moment de peps pour lancer la suite.
Je pense que “La vie est belle” est un joli classique qui peut remonter le moral quand on a le blues. Suivant son éducation et ses valeurs, on y trouvera des choses fondamentalement opposées et on appréciera différemment le film mais cela n’en fait-il pas toute la qualité de l’ouvrage ?
J’ai aussi l’impression que ce film a inspiré nombre de bonnes autres œuvres: probablement que “Code Quantum” ou “Un jour sans fin” auraient été bien différents sans lui.