Christine

Christine

24 février 2021 0 Par sgtpepere

Réalisateur : John Carpenter
Scénariste : Bill Phillips, d’après un roman de Stephen King
Acteurs principaux : Keith Gordon, John Stockwell, Alexandra Paul

Arnie Cunningham est un nerd, le genre de jeune homme à lunettes pas très cool qui a tendance à se faire martyriser par les mecs costauds et voyous du lycée. Alors oui, il est pote avec Dennis Guilder, un joueur de foot américain donc super populaire mais même avec ça, la vie n’est pas facile.

Et puis, les deux passent devant une maison en sale état devant laquelle trône une voiture en encore plus mauvais état. Mais pour Arnie, c’est le coup de foudre. Il va dépenser son argent pour s’acheter l’épave de Plymouth Fury de 1958 et il va commencer à la retaper. Cette voiture va changer Arnie qui va gagner en confiance, aller se faire voir à peu près toute autorité et même gagner les faveurs d’une jolie fille qui rechigne à sortir avec des garçons bien plus populaires.

Christine est l’un des chefs-d’oeuvre de la carrière de John Carpenter, en tout cas, en ce qui me concerne. Il s’agit d’une adaptation d’un roman de Stephen King que je n’ai pas lu donc je me garderai bien de parler de l’adaptation en elle-même. Mais jamais je n’ai été intéressé par lire le bouquin (alors que j’ai lu d’autres King) car le film en lui-même est parfaitement suffisant. Bon, je vous expliquerai un peu plus loin qu’il y a tout de même quelques scènes que j’aurais aimé voir.

Tout démarre avec la scène d’introduction. Ce ne sera pas Arnie qui va ouvrir le film ni même son monde mais Christine, une voiture hors du commun, dès la chaîne de montage. Elle va trouver moyen de couper la main d’un mécanicien indélicat qui lui trifouille le moteur et en asphyxie un autre qui laisse tomber la cendre de son cigare sur ses jolis sièges en cuir. Non, on ne traite pas Christine de la sorte. Mais tout cela sera rangé au rayons des incidents inexpliqués. Et ça n’est qu’en regardant de plus près la liste des proprios de la voiture et leur mort si suspecte qu’on pourrait s’interroger sur le bienfait de la bagnole.

Car Christine est le symbole du Mal, un symbole bien connu du cinéma de Carpenter (que ce soit Michael Myers, Sutter Kane ou encore la créature de The Thing). Et c’est aussi une source de tentation et de corruption (idem sauf peut-être dans le cas de Myers qui n’est pas vraiment tentateur) à laquelle des humains vont régulièrement succomber.

Comme toute tentation, les débuts sont très prometteurs et Christine va transformer Arnie dans le bon sens du terme: une libération s’opère chez le jeune homme. Il casse son image de timide, gagne en assurance et va même jusqu’à affirmer ses choix face à des parents très stricts (voire une mère castratrice). Mais cette libération, si elle existe, est de courte durée. Car si Christine lui donne un semblant de liberté, c’est clairement pour le mettre sous sa coupe. Et cette histoire d’amour va prendre un tournant très concret. Arnie ne saura pas choisir entre Christine et Leigh, la complicité entre la voiture et son conducteur sera totale, la voiture éliminant des anciens bourreaux et le conducteur acceptant son engin jusque dans ses capacités les plus surnaturelles.

A ce titre, la scène clé de Christine se reconstruisant est une scène très intime entre les deux personnages d’autant plus que la voiture vient de se faire démolir. Carpenter fait tellement bien le job qu’il montre clairement le travail de saccage comme un viol. Le spectateur sait pertinemment que la voiture est vivante et il a déjà accepté ce principe, tout comme Arnie le fera au cours du film. Rien de tel pour avoir un peu de sympathie pour un personnage qui, s’il était humain, serait tout bonnement inacceptable puisque Christine est une manipulatrice en chef.

Et comme cette relation est la plus importante, on ne verra pas vraiment comment Arnie réussit à séduire Leigh. La convainc-t-il grâce à son côté bad boy fraîchement acquis ? Est-ce la voiture qu’il pilote qui séduit la jeune fille ? On ne le saura pas vraiment alors que la façon dont s’établit la relation serait assez intéressante pour comprendre Leigh et sa réaction ensuite. Mais comme Christine est l’héroïne de l’histoire, Leigh ne devient finalement qu’un faire-valoir, un élément déclencheur comme tant d’autres. Tout juste tentera-t-elle de sauver Arnie, de le prévenir sur la tournure des événements.

La réalisation de Carpenter est comme d’habitude aux petits oignons. Je trouve que le talent de monteur du monsieur est incomparable. Les plans ont toujours la bonne durée pour véhiculer les sensations sans jamais provoquer l’ennui chez le spectateur. Les acteurs sont bien dirigés si l’on considère le genre de cinéma dans lequel ils opèrent. Certaines scènes auraient pu être plus gores (je pense au mécano du début) mais Carpenter est dans la retenue. L’effet sera plus puissant s’il est hors champ et quelques victimes de Christine auraient pu avoir droit à un traitement plus graphique. Carpenter choisit donc l’élégance à l’efficacité et le film ne s’en porte que mieux. Il réussira également la superbe scène centrale et pivot de l’histoire où Christine montre toutes ses facultés à Arnie dans une intimité est totalement celle d’un couple en plein ébat.

La chute sera à la hauteur avec son petit twist digne des films d’horreur de cette époque mais sa conclusion, entière, logique et cynique, montre un Carpenter qui sort du schéma classique du film d’horreur des années 80. On ne sort pas indemne d’une tentation, d’une obsession aussi dévorante: un autre point récurrent dans les films du réalisateur.

Un petit mot sur l’édition Luxe fournie par Carlotta. Le combo DVD  / BR / BR Ultra 4K est complet. Je n’ai bénéficié que des bienfaits du BR classique car je n’ai pas l’installation nécessaire au visionnage pour initiés. 😉 Ceci dit, j’ai regretté qu’il n’y ait pas de sous-titres anglais. On a la VO avec différents mixages de son mais uniquement avec des sous-titres en français. Je me souviens des DVD vendus il y a 20 ans où il y avait plus de 10 langues différentes et autant de sous-titres. De quoi faire des progrès en langue étrangère … Et là, je ne pense pas qu’il s’agisse de place sur les disques pour un fichier texte de quelques kilooctets.

Je n’ai pas encore lu le bouquin bien épais de Lee Gambin mais visiblement, au vu des titres de chapitre, on ne doit pas avoir une vision du film bien différente. 😊

Ah, Carpenter oblige, il faut dire un petit mot de la musique qui est un élément essentiel dans le film. Ici, le réalisateur est relativement discret du point de vue de la musique. Car Christine va s’exprimer elle-même par des morceaux de rock des années 50. On aura donc un peu moins la patte du réal’ compositeur et un peu plus un medley qui va renforcer l’image très américaine des années 50 qu’incarne Christine. Là encore, l’époque à laquelle Christine a été construite et son fonctionnement la transforme en femme fatale au pouvoir de séduction complètement interdit. Les paroles ajoutent de l’humour noir à des scènes dont on sait qu’elles vont mal se terminer. Et ça rend la voiture et le film encore plus “sympathiques”, là où l’histoire aurait pu la faire parler (à l’instar d’une KITT ou d’une Audrey pour son Seymour).

Bref, vous l’aurez compris, j’adore ce réalisateur, j’adore ce film et j’ai apprécié pouvoir le revoir dans de bonnes conditions (si l’ouverture du générique fait un peu peur, l’image gagne clairement ensuite en netteté).